Il n’y aura qu’un seul test est une œuvre qui demande à être installée dans une grande pièce blanche, d’au moins six mètres par six. Le dispositif est très simple : il s’agit d’un carré de quatre mètres par quatre, au sol, entièrement composé de tests multicolores. Il n’y a aucune barrière, rien qui empêche le visiteur de piétiner les fragiles petites boîtes animales. Très exactement au centre de l’installation, un minuscule oursin, avec ses piquants, mais réalisé entièrement en or, pend le long d’un fil, le plus fin possible. Quand le visiteur rentre dans la pièce, on lui explique le principe. Un visiteur, un seul, pourra prendre la décision de marcher sur les oursins, donc de les écraser, pour se saisir de l’oursin d’or. Il pourra repartir avec l’oursin d’or, il lui appartiendra, mais en faisant cela, il aura détruit l’oeuvre, qui n’aura plus de centre. Après lui, les gens pourront écraser sans hésiter le reste des tests, jusqu’à ce que l’ensemble devienne aussi fin que le sable d’une plage, et peut-être même jusqu’à la poussière.
Il y a une dimension presque mystique dans cette œuvre, une dimension morale. J’imagine la personne qui voudrait s’emparer de l’oursin d’or comme un conquistador moderne, insouciant des effets, conquérant, traversant la zone interdite que les autres contemplent avec respect sans regarder ce qui disparaît sous ses pieds, puis je l’imagine avec son butin, si fin, si léger, rongé peu à peu par le remords, ou bien inconscient et sans remords, mais rongé par une maladie exotique, réalisant trop tard que le petit oursin, avec ses piquants, a très exactement la forme d’un virus mortel. Un ami, qui a lu très attentivement le petit texte qui accompagne l’installation, m’a fait prendre conscience d’une autre quête, introduite inconsciemment dans mon œuvre. C’est que, me révéla-t-il en riant, ce qui nous est interdit c’est de traverser cet espace pour nous saisir de lourds seins d’or.
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